Le contexte français de ces élections est particulièrement confus avec : 34 listes majoritairement axées sur des problématiques nationales ou promouvant pour l’Europe des idées qui ne sont pas dans les compétences du Parlement (rétablissement des frontières, suppression de la Banque Centrale Européenne, …), une perception que les institutions européennes ne sont pas fiables et anti-démocratiques, et une perception d’un rôle effacé du Parlement dans la gouvernance de l’Europe.
I – La réalité face à ces perceptions
Cette vision très dépréciative de la gouvernance européenne est une image rémanente d’une période un peu assoupie au début des années 2000. En réalité, notamment dans la dernière mandature (2014), de nombreuses décisions ont été prises dans le sens d’un modèle européen alliant l’économie et le respect de la personne et de l’environnement. Cet encadrement du marché a été suscité par plusieurs facteurs qui ont incité l’Europe à se ressaisir sous peine d’être engloutie par le fonctionnement des superpuissances : crise grecque, scandale des Luxleaks, COP21, crise migratoire de 2015, … Quelques exemples d’avancées majeures de cette dernière mandature :
– au plan social : « pilier européen des droits sociaux », ensemble de 20 mesures opposables en Cour de Justice, réécriture de la directive sur le travail détaché : à travail comparable, salaire comparable, paquet mobilité sur les conditions de travail des chauffeurs routiers, élargissement de la liste des substances reconnues cancérigènes pour les accidents du travail, dispositions sur l’équilibre vie familiale-vie professionnelle : congés parentaux, congés aux aidants, … transparence des nouveaux contrats type « Uber ».
– au plan fiscal : transparence automatique des données fiscales au sein de l’UE, obligation de déclaration des officines d’optimisation fiscale, lutte contre les paradis fiscaux, harmonisation de la TVA sur l’économie numérique.
– au plan environnemental : mesures de réduction des polluants, encadrement des politiques d’efficacité énergétique, lutte contre le gaspillage, interdiction des plastiques à usage unique.
– au plan commercial : accords bilatéraux prenant en compte les critères sociaux et environnementaux,
– pour le numérique : règles d’usage protégeant le citoyen européen : RGPD extension de la préservation des droits d’auteur aux médias numériques. Toutes ces avancées réelles promeuvent un modèle sociétal européen équilibré.
II – Le rôle du Parlement Européen dans ces avancées
Depuis le Traité de Lisbonne (2009), le Parlement dispose de pouvoirs élargis dans la plupart des domaines sauf la fiscalité. Le Parlement s’est saisi de cette responsabilité en développant la culture du débat démocratique en son sein ; en effet, le Traité prévoit qu’en cas d’absence de consensus au Parlement ce soient les chefs de Gouvernement (le Conseil Européen) qui reprennent la main. Cela ne s’est jamais produit : le consensus a été toujours établi préalablement par le Parlement.
Le Parlement est donc l’objet d’un intense travail d’élaboration des lois européennes, vraie école de la démocratie interculturelle. C’est notamment le Parlement qui a poussé le Conseil Européen vers des dispositions plus favorables à l’intérêt général à long terme, aux personnes ou à l’environnement. Il est en effet plus libre que les chefs de gouvernement par rapport aux pressions des entreprises et plus libre que les parlements nationaux par rapport à la discipline de parti.
III – L’enjeu des prochaines élections
Dans la prochaine mandature il reste à parfaire la mise au point des avancées, notamment dans les domaines sociaux et environnementaux. Il faut donc souhaiter que le fonctionnement du Parlement ne soit entravé par des membres bloqueurs qui empêchent toute avancée ou qui, comme le Front National jusqu’ici, ne participent à aucun travail de commission. Les dossiers majeurs de la prochaine mandature :
– le budget 2021-2027 avec des choix difficiles dans la répartition des 1,08% du PIB qui lui sont alloués : plus de défense, de surveillance des frontières, moins de politique agricole, moins de fonds de cohésion (aide aux pays les moins « riches »),
– le dossier migratoire avec l’unification européenne du droit d’asile, la suppression de la « clause Dublin » (examen de la demande d’asile par le pays d’entrée en Europe au lieu du pays souhaité par le réfugié), critères pour l’immigration « économique », partenariats avec les pays d’origine. La liberté de proposition dont dispose le Parlement est favorable à une meilleure attention aux personnes que par le Conseil Européen prisonnier de contraintes électoralistes dans chaque pays.
– La convergence sociale, notamment pour éviter que les pays « pauvres » de l’Europe voient leurs élites partir vers les pays « riches »,
– La justice sociale et la fiscalité noyau dur qui donnera lieu à d’âpres débats avec le Conseil Européen et la Commission plus soumis aux lobbies : taxation du numérique, taxation des transactions financières, impôt sur les sociétés, …
– L’environnement avec notamment une directive novatrice sur la lutte contre l’obsolescence programmée.
Conclusion
Le Pape François a balisé le chemin à accomplir dans son discours aux ambassadeurs en 2017 : choisir ce qui fait grandir la personne plutôt que des quotas, retrouver le sens de la Communauté, accepter les idées des autres nations, garder le cap sur les objectifs initiaux ; la Solidarité et la Paix.
Antenne Sociale de Lyon : Conférence de Jérôme Vignon le 15 mai 2019
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