Un parlement vidé et les risques d’une démocratie qui ne se préoccupe plus de ses droits
L’approbation de la loi budgétaire par le Parlement italien suscite de très vives inquiétudes en raison d’un processus législatif qui semble compromis et faussé quant au fond dans ses rapports avec les dispositions de l’ordre constitutionnel de la République. Un certain nombre d’institutions indépendantes, dont la Commission de législation de la Chambre des députés, ont relevé dans la structure de la loi et la procédure suivie de profonds manquements à l’égard des dispositions de notre système institutionnel. De nombreux constitutionnalistes ont souligné que l’article 72 de notre Constitution exige que les deux branches du Parlement examinent attentivement les projets de loi qui sont soumis à l’attention des parlementaires, afin d’assurer un processus délibératif qui permette la pondération nécessaire de ce qui devrait devenir des textes normatifs et de permettre un débat qui, par l’intermédiaire des représentants élus, permette aux différentes composantes du pays de participer au processus politique et institutionnel. La disparition de ce processus, masquée par l’urgence d’éviter l’exercice temporaire des finances publiques et par la discussion sur le contenu de la loi budgétaire, est un fait d’une importance et d’une gravité institutionnelle particulières.
Ce à quoi nous assistons, c’est la fin d’une détérioration de l’institution parlementaire qui a des racines historiques dans la crise que notre pays a traversée entre les années 1980 et 1990 et qui a vu le rôle central du Parlement se réduire progressivement en faveur d’un leadership législatif du gouvernement par un recours de plus en plus répandu aux décrets d’urgence et aux lois déléguées. C’est une tendance suivie par tous les gouvernements successifs depuis 1994 qui a appauvri le débat public dans une phase historique où une place centrale renouvelée du Parlement dans les processus de réforme des structures sociales, économiques, institutionnelles et politiques du pays aurait certainement reconstruit un sentiment de proximité entre les citoyens et les institutions dont nous voyons aujourd’hui la disparition et dont les effets sont les plus profonds et les plus lacérateurs.
La décision du gouvernement de présenter une loi budgétaire à un moment et d’une manière qui empêche le Parlement de l’examiner correctement s’inscrit certainement dans cette détérioration progressive de notre vie institutionnelle, qui souffre de réformes manquées et inachevées. Cependant, le cas de ces derniers jours marque un saut qualitatif dans cet affaiblissement de l’État démocratique. Alors que la crise de la représentation politique est plus forte, le choix est fait de compromettre cette institution qui devrait peser les lois et modifier les relations institutionnelles, donnant au gouvernement, par l’instrument de confiance et l’annulation, en fait, du processus parlementaire approprié, un rôle central également dans l’exercice de la fonction législative. Il est étonnant que les promoteurs de ce changement de fait de notre structure institutionnelle, effectué sans modification constitutionnelle, soient responsables des forces politiques qui, il y a deux ans, lors du référendum sur la réforme de la deuxième partie de la Constitution, ont défendu la nécessité de rendre au Parlement sa fonction de représentation et son caractère central dans notre ordre institutionnel.
Dans un passage historique où les tensions et les divisions réapparaissent, répondant à des besoins souvent contingents et révélant la disparition de la recherche d’un intérêt public et commun qui semble devenir de plus en plus opaque dans la conscience du pays, repenser la représentativité de l’institution parlementaire et son caractère central représente un maillon essentiel pour tracer un avenir possible. La possibilité pour le Parlement d’exercer sa fonction dans la liberté et les limites que lui reconnaît notre Constitution est une garantie de liberté et, en même temps, elle souligne les caractéristiques d’une Italie qui sait penser et construire les instruments législatifs qui rendent effectifs ces droits et devoirs qui sont le cœur programmatique de notre communauté politique. Le choix fait lors de l’approbation de cette loi budgétaire, compromettant la centralité de l’institution parlementaire, sape la racine de cette dynamique historique et politique qui est la raison d’être de notre République.
Texte d’origine en Italien. trad PhL
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