Le 28 juin 2018, le Président des Philippines, R. Duterte a prononcé un discours dans sa ville natale, Davao City, dans lequel il a déclaré que le « Dieu » de la Genèse était « stupide ». « Ce qu’Il a fait : Eve a mangé la pomme puis a réveillé Adam … donc Adam a mangé la pomme. Alors le vice était né. Qui est ce Dieu stupide ? C’est (jurons) vraiment stupide si les choses se sont passées comme ça, » a dit Duterte.
Ce « Dieu » auquel il se référait est « l’Alpha et l’Oméga ». Dieu est omniprésent. Dieu est plus grand que toute chose et que tous. Dieu n’a besoin ni de défense ni de preuve. Aucun des discours contre notre Dieu n’est pertinent, pas non plus ceux de Duterte. De telles paroles blasphématoires sont une bénédiction déguisée qui ouvre la voie d’une prise de conscience nationale.
Les Philippins ont réalisé que le populaire président, qui était jadis contre notre Pape, est vraiment aussi contre notre Dieu, le Père et contre notre Christ. En conséquence, la cote de popularité du président a chuté de 72% en décembre 2016 à 45% en juin 2018, selon l’agence nationale de l’opinion publique (SWS). Le chemin vers la prise de conscience a été dur et même atroce. En l’absence de leadership clair pouvant s’opposer au populiste, la majorité de la population a longtemps été désorientée et ne savait ni vers qui se tourner ni à qui faire confiance.
J’ai pu observer que de nombreuses familles, des organisations et des amitiés avaient été détruites du fait de divergences politiques, du désordre social, et du suivisme massif. En outre, beaucoup de personnes ont été bernées par le système de propagande massive et la diffusion de fausses nouvelles mis en place et encouragé par l’administration de Duterte. Semblables aux cellules cancéreuses, ces stratégies empoisonnées ont affecté la nation entière et le monde des médias sociaux.
Malheureusement, une majorité de la population est encore apathique ou insensible aux nombreuses victimes. Selon les statistiques fournies par la police nationale philippine, les exécutions ciblées ont déjà fait plus de 23 000 victimes – principalement des personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Et leur nombre continue d’augmenter. Ces vies perdues ont également affecté la psyché de milliers de familles. La disparition d’êtres chers a traumatisé les familles et les proches, entraînant tristesse, chagrin, dépression, syndrome de stress post-traumatique et laissant des enfants orphelins affamés, pour ne citer que quelques-unes des conséquences.
Le diable a corrompu l’esprit du peuple, de la personne la plus simple à la personne la plus respectée. Dans un récent discours au cours de la cinquième Conférence philippine sur la Nouvelle Évangélisation, le P. Albert Alejo sj a rapporté une conversation avec un Evêque à qui il avait été demandé de justifier les massacres par une «théologie de circonstance» à coup de citations de l’Evangile de Luc.
Pourtant, des groupes et des personnes font front pendant cette sombre période et gardent le cap sur la lumière. Dès les premiers massacres, un groupe appelé « Hema », ce qui signifie « Sainte eucharistie action de masse », dirigée par le P. Bong Sarabia, CM, s’est rassemblé avec les familles des victimes des assassinats extra-judiciaires (EJKs) lors de trois messes de Requiem séparées et de programmes de sensibilisation. De nombreux bénévoles fournissent une aide spirituelle, juridique, psychologique, matérielle, financière, une couverture médiatique, et même de la musicothérapie en organisant des concerts de chants liturgiques.
Une foule de disciples courageux s’est rassemblée pour hurler : « Arrêtez les massacres ! ». De nombreuses initiatives ont permis de faire prendre conscience de l’horreur de cette «guerre contre la drogue». La compassion a fait son chemin et a servi d’arme pour lutter contre le cycle de la violence.
La situation socio-économique actuelle du pays pose aussi question : « Qu’est-il en train de se passer avec produits de base dans notre pays ? » Lorsque le taux d’inflation grimpe à 5,2%, comme rapporté par l’autorité des statistiques des Philippines en juillet 2018, il n’est pas surprenant de voir des gens désespérés ou mécontents car cela a des conséquences directes sur leurs estomacs et leurs finances. Le prix des produits de base ne cesse de grimper. Des millions de personnes marginalisées sont plus sévèrement touchées car leurs revenus sont inférieurs à leurs dépenses.
Dans mon pays, les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. En outre, de nombreuses affaires et scandales touchant de hautes personnalités ont été mis au jour, et ont fragilisé le gouvernement. A l’international, la question territoriale qui oppose la Chine et les Philippines en mer des Philippines de l’Ouest (connue en France sous le nom de mer de Chine du sud) fait la une de la presse internationale. Le non-respect de nos droits aura pour conséquence que toute la population philippine se verra privée de certaines richesses.
Dans le sud du pays où la guerre pour la ville de Marawi vient de se terminer, la situation est invivable à cause des destructions massives. La loi martiale reste en vigueur après l’évacuation par la force de nombreux autochtones natifs de Mindanao. La liste des souffrances est longue. Pourtant, les Philippins résistent. Mon peuple est connu pour être un peuple résilient. Nous avons enduré les colonisations, les dictatures, la pauvreté, la faim et même les tempêtes qui ont anéanti des villes entières.
Le 23 juillet 2018, environ 40 000 personnes, membres d’Eglises, d’écoles, d’organisations ou à titre individuel se sont réunies pour manifester dans les rues de Manille. Diverses sources en font le rassemblement de protestation le plus important contre Duterte et son administration pendant le discours du Président sur l’état de la nation (S.O.N.A). De plus, des rassemblements ont également été organisés avec succès dans les grandes villes du pays et dans d’autres parties du monde. Car Dieu a renversé les puissants de leurs trônes et exalté les humbles.
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