par Eric Sottas ancien Secrétaire général
Ces dernières années, un scepticisme grandissant s’est fait jour au sein des organisations non gouvernementales en général et des organisations catholiques en particulIer sur la valeur du travail international dans le cadre des institutions intergouvernementales.
Cette remise en question provient de causes diverses, les unes conjoncturelles, les autres structurelles que nous examinerons plus en détail dans la suite de notre réflexion. Nous pouvons déjà citer: — la faiblesse du systèms des nations unies et les déceptions qu’engendre l’organisation conçue au départ comme le garant de la paIx internationale, des droits de l’homme et du développement harmonieux de la planète: — la changement intervenu dans l’approche des organisations catholiques quand à leur rôle politique et social, après le Concile Vatican II; — enfin, la difficulté que rencontrent des organisations non gouvernementales à assumer les frais toujours croissants qu’implique une présence active au sein d’institutions dont les sièges se répartissent dans différents continents. Certes, il existe de bonnes raisons pour considérer que.le travail au niveau intergouvernemental ne porte pas les fruits que devraient produire les efforts consentis. Toutefois, il est intéressant de révéler que les interventions des représentants de Pax Romana sont loin d’être considérées par les délégations gouvernementales comme des prises de position négligeables.
Depuis plus d’une décennie, Pax Romana intervient régulièrement à la commission et à la sous-commission des droits de l’homme pour dénoncer les violations commises en Amérique latine, en Asie, en Afrique et en Europe de l’Est. Le secrétariat a stigmatisé les pratiques des dictatures militaires sud américaines responsables d’une répression effroyable, souvent Justifiée au nom de la lutte contre le communisme et de la défense de la civilisation chrétienne.
La junte argentine, qui a fait règner la terreur à la fin des années ’70, a répondu aux interventions de la délégation de Pax Romana, composée notamment de juristes latino-américains, en accusant son secrétariat de soutenir le terrorisme et en demandant officiellement le retrait de son statut consultatif. L’acharnement avec lequel les représentants de la junte chercheront à obtenir des instances onusiennes à Genève et à New-York qu’elles retirent le statut consultatif à notre mouvement et l’insistance dont elles firent preuve auprès du Saint-Siège pour qu’il désavoue notre action prouvent mieux que toute théorie l’impact qu’a sur un gouvernement la dénonciation au sein d’un organisme intergouvernemental des crimes que ce régime cherche à cacher au reste du monde.
Dans le cas de l’Argentine, le rôle de Pax Romana a été d’autant plus important que, contrairement à ce qui s’était passé au Chili ou au Brésil, la hiérarchie catholique de ce pays, à quelques remarquables exceptions près, a adopté une attitude de réserve que certains ont taxé de complicité. La conférence des évêques latino-américains et le Saint Siège n’ont pas crû devoir aller au-delà de cette position. Si ces instances ont déployé des efforts diplomatiques non négligeables en faveur de nombreuses victimes de la répression, elles n’ont jamais clairement condamné le régime des généraux. Certaines organisations de défense des droits de l’homme, comme les gran-mères des enfants qui, aujourd’hui encore, recherchent plusieurs centaine d’enfants disparus, ne nous ont pas caché leur déception devant L’attitude distante adoptée à leur égard par les plus hautes autorités de l’Eglise catholique.
Dans ce contexte, la junte argentine pensait avoir neutralisé l’Eglise en obtenant qu’elle ne condamne pas officiellement comme l’avaient fait les évêques brésilien durant ta dictature ou le Saint Siège après le coup d’état au Chili, les méthodes de gouvernement auxquelles elle recourait et l’idéologie qu’elle prônait. Les recherche menées par des juristes catholiques, les dénonciations de la jeunesse ouvrière catholique, du mouvement mondial des travailleurs chrétiens, de la jeunesse rural catholique ou de la fédération internationale des mouvements agricoles et rural catholiques, – mouvements qui payèrent souvent un lourd tribut à la cause de justice — représentaient une réaction populaire des chrétiens organisés qui appelaient à la cessation des exactions, au jugement des criminels et au retour à la démocratie.
C’est parce qu’ils étaient conscients que l’intervention des délégués de Pax Romana s’appuyait sur un tel mouvement social reconnu et appuyé par l’Église (et qui à terme pourrait déboucher sur une rupture avec l’institution ecclésiale) que le représentants argentins ont déployé une telle énergie pour faire condamner le dirigeants de Pax Romana tant par le Saint Siège que par l’ONU. Dans les deux cas tes efforts furent vains. Après un examen approfondi, les différents pays composant I commission de l’ONU chargée d’instruire les accusations portées par l’Argentin centre Pax Romana, conclurent qu’elles étaient sans fondement et décidèrent d maintenir le statut d’organisation consultative au mouvement incriminé. Le Sai Siège, pour sa part, ne donna pas davantage suite aux manoeuvres diplomatique de la junte.
On objectera que les milliers de cas individuels parvenus au secrétariat international durant cette période ne furent malheureusement pas résolus par l’intervention répétées de notre organisation au sein de la commission et de la sous-commission des droits de l’homme. Toutefois, l’isolement progressif dans lequel fut peu à peu enfermé ta junte conduisit au désastre des Malouines et au départ sans gloire des généraux. Pax Romana peut prétendre avoir joué un rôle — certes modeste — dans cette évolution. II est intéressant de noter qu’en août 1987, la sous-commission de droits de l’homme des Nations Unies a élu à sa présidence, l’ambassadeur argentin Leandro Despouy haul fonctionnaire chargé de veiller au respect des droits de l’homme dans son pays. Il y a une douzaine d’années, Leandro Despouy, alors qu’il s’adressait à la commission des droits de l’homme de l’ONU, avait été interrompu à plusieurs reprises par les interventions notamment du représentant argentin et des pays qui soutenaient cette dictature. A l’époque, jeune avocat argentin exilé en Europe, il dénonçait au nom de Pax Romana les exactions des dictatures argentine et uruguayenne. II avait en effet été accrédité, avec d’autres juristes latino-américains, par le secrétaire général de Pax Romana au sein de la délégation de notre mouvement. Ce sent ces accréditations qui, à l’époque, avaient été invoquées à l’appui de la demande argentine de retrait du statut consultatif.
Un caractère doublement non gouvernamental
Les organisations de type privé, comme Pax Romana, qui jouissent au sein des organisme intergouvernementaux d’un statut consultatif, sont définies par l’ONU comme “organisations non gouvernementales” (ONG). Cette appellation nous incite à examiner de plus près deux concepts qui servent à définir ce type de mouvements. II s’agit, d’une part, du concept “d’organisation” et, d’autre part, du concept “non gouvernemental”.
Le premier concept, celui d’organisation présuppose, à noire avis, trois éléments: — une structure stable, — des membres et des buts clairement définis par des statuts. Ces conditions sont indispensables pour permettre l’expression d’une position de mouvement. La valeur des déclarations d’un délégué est liée au travail d’ensemble d’une organisation dans le cadre de son mandat. Cela implique que seuls les représentants officiellement désignés par les organes compétents peuvent engager la responsabilité de l’organisation dans le cadre des interventions qu’ils sont amenés à faire. Ces interventions, par ailleurs, doivent s’appuyer sur une pratique du mouvement.
Pour Pax Romana, c’est là une exigence qui oblige à maintenir des relations claires entre ses diverses fédérations et ses secrétariats spécialisés. La position adoptée par le conseil ou l’assemblée générale, lorsqu’elle est réunie, résulte certes du travail de tel ou tel secrétariat ou de telle ou telle fédération, mais elle tient également compte d’impératifs plus larges. On ne peut en revanche accepter, dans le cadre, intergouvernemental des prises de positions aussi intéressantes soient-elles, émanant de fédérations ou de secrétariat qui n’aurait pas reçu l’avale des instances compétentes.
Cette exigence n’est pas toujours bien comprise, surtout lorsque les raisons qui amènent le secrétariat à ne pas intervenir sur certains dossiers, ne peuvent être débattues publiquement.
Le deuxième concept que nous avons mentionné réside dans le caractère non gouvernemental de l’organisation et de ses activités. Ce deuxième critère, défini par les Nations Unies, est plus ambigu. En effet, il implique à la fois une distance par rapport à l’action gouvernemental et une certaine communauté, sinon d’intérêts, du moins d’objectifs avec le mandat normalement confié aux pouvoirs publics.
II ne viendrait à l’esprit de personne de préciser d’une organisation de type sportif qu’elle est “non gouvernementale”. Cela va ou devrait aller de soi. Si, dans le cas des ONG, la précision se révèle nécessaire, c’est précisément parce que l’organisation joue un rôle complémentaire, dans certains cas supplétif, — voire dans des situations extrêmes — antagonistes à celui des autorités officielles de l’état dans le cadre de l’organisation sociale d’un pays ou d’un ensemble de pays. Cette précision négative doit donc, à notre avis, être comprise également comme une indication positive. Le concept “non gouvernemental” ne vise pas toutes les activités qui n’assume pas le gouvernement d’un pays, mais seulement les activités qui, au sens large, entrent dans le cadre des tâches sociales, culturelles, éthiques ou politiques qui sont en partie assumées par l’état.
En ce qui concerne les organisations catholiques, le caractère non gouvernemental s’applique également aux relations avec les représentants officiels de l’institution ecclésiale. L’approbation par la hiérarchie locale d’une organisation catholique nationale ou d’une fédération d’un mouvement international ou la reconnaissance par le Saint Siège d’une organisation internationale catholique consacre le fait que ces instances sont conformes au message évangélique transmis par l’Eglise catholique. Mais contrairement à une théorie qui connaît actuellement un regain d’intérêt, cette reconnaissance n’implique nullement que l’organisation catholique doive agir selon des Instructions reçues de la hiérarchie locale ou du Saint Siège.
C’est là, à notre avis, une condition sine qua non de l’existence et de l’activité des organisations non gouvernementales des laïcs au sein de l’Eglise catholique. Cette autonomie ne présuppose nullement un antagonisme avec l’institution ecclésiale, mais la liberté d’agir sans forcément adopter les positions arrêtées par la hiérarchie dans le contexte de l’exercice d’un pouvoir institutionnel.
Le cas argentin que nous avons cité plus haut, est à cet égard extrêmement révélateur. On peut comprendre les raisons qui ont amené ta hiérarchie argentine à adopter une attitude de prudence afin de ne pas donner prise à une répression encore plus sanglante centre les milieux d’Eglise. On veut également croire que cette attitude a été dictée aux évêques par le souci de sauver des vies grâce à des négociations discrètes avec la junte. La ligne de conduite adoptées par le Saint Siège et par la conférence épiscopale latino-américaine consistant à maintenir coûte que coûte des relations avec un gouvernement inacceptable ou faire pression sur ces derniers s’inscrit dans la même logique .
Si les organisations des laïcs catholiques avaient été tenues de respecter les mêmes consignes, il n’aurait pas été possible de mener des campagnes dénonçant des actes de la junte, d’envoyer des missions d’enquête et d’intervenir au sein des organismes intergouvernementaux pour que soit mis un terme aux actions du régime, ce qui avait troublé, davantage encore, ceux qui attendant que l’Eglise prenne position clairement en faveur de l’opprimé pour la justice et ce en toute circonstance. Mais cette raison n’est pas la seule qui justifie l’autonomie des organisations reconnues par l’Eglise. Plus fondamentalement c’est le rapport entre la foi et l’engagement, tel qu’il est ressorti des débats du Concile Vatican II, qui induit cette position. Cette question reste l’une des plus controversées et constitue le point d’achoppement avec les intégristes, que ce soient les intégristes traditionalistes en net recul ou les intégristes qui se montrent beaucoup plus actifs au sein de mouvements aux positions ambiguës.
L’engagement des Chrétiens en politique
La reconnaissance par Vatican II du pluralisme politique et de la liberté religieuse a, à noire avis, un certain nombre de conséquences qui vont au-delà de ce qui est communément admis par nombre de catholiques.
Certes aujourd’hui chacun s’accorde à admettre qu’il n’est pas légitime d’imposer ses convictions à l’ensemble de la société dans laquelle le croyant est inséré. C’est là une des conséquences immédiates de la reconnaissance de la liberté d’autrui à une croyance distincte. Récemment encore, le Saint Siège a rappelé à Mgr Lefebvre que le concept même de l’état chrétien n’avait plus cours.
En revanche, les questions se posent quand à la légitimité d’un programme politique chrétien, c’est-à-dire, induit des normes évangéliques. En Europe notamment, — et suite aux catastrophes qu’ont constitué, d’une part, le fascisme, et le nazisme et d’autre part le st linisme, — des chrétiens se sont regroupés dans des parties politiques confessionnelles en vue d’élaborer une troisième voie entre le système capitaliste et communiste.
Ce mouvement a créé de profondes ambiguïtés parmi les croyants engagés. En effet, est-il légitime, dans une société démocratique, reconnaissant la liberté religieuse, de regrouper des forces catholiques au seln d’un parti, c’est-à-dire d’un appareil conçu pour assurer le pouvoir, alors que cette confession n’est nullement menacée dans le cadre d s in titutions démocratiques . Un tel parti des catholiques pouvait se concevoir au siècle passé pour résister aux campagnes menées dans la plupart des pays européens centre l’Église et centre la communauté catholique. Mais dans la seconde moitié du vingtième siècle, cette raison a disparu, du moins dans les états démocratiques. En Europe de l’Est et dans certains états dominés par des confessions à prétention totalitaire, la question reste entière.
C’est pourquoi, en Europe de l’ouest, les partis démocrates chrétiens issus de la catastrophe de la deuxième guerre mondiale se sont davantage présentés comme des forces politiques s’inspirant du message chrétien. Ce faisant ils ont créé une nouvelle ambiguïté. L’évangile n’est pas un programme politique et l’incarnation de valeurs révélées dans le cadre d’une praxis fail appel à un certain nombre d’analyses sociales d’options stratégiques qu’il est abusif d’étiqueter de chrétien et de présenter comme la seule option ouverte en politique aux croyants.
La pratique sociale conduit en effet à un certain nombre de découvertes et de réflexions de type idéologique qui peuvent amener des catholiques convaincus et sincères à des conclusions divergentes quant aux programmes à adopter.
En reconnaissant la pluralité des engagements politiques des chrétiens, Vatican II a admis explicitement que les chrétiens pouvaient se référer à d’autres idéologies que celle relativement floue et nettement conservatrice prônée par la démocratie chrétienne.
Cette évolution reconnaît la valeur de la réflexion conduite par des chrétiens engagés au sein notamment des mouvements dits d’action catholique spécialisée.Ces organisations considèrent que l’engagement doit être double: un engagement socio-politique dans le “milieu de vie” concerné, généralement dans le cadre d’un syndicat ou d’un parti, et un engagement ecclésial au sein d’équipes de base structurées dans le cadre d’un mouvement chrétien à la lumière de l’évangile, lieu d’un échange et d’un approfondissement de la foi. Certes, les deux plans sont dans la vie indissociables mais ils ne peuvent et ne doivent pas être confondus. Lorsqu’il agit dans le cadre de son syndical, le chrétien participe à égalité avec les autres militants à l’élaboration d’une doctrine et à la définition d’une pratique à laquelle il est totalement partie prenante. Dans le cadre de son équipe de laïcs organisés, il partage, à partir de cette même expérience, sa foi avec d’autres croyants. La grande différence avec la démocratie chrétienne, c’est que ces militants ne cherchent nullement à unifier dans le cadre chretien leurs réflexions politiques et les stratégies qui en découlent. lls considèrent que l’équipe de croyants à laquelle ils appartiennent n’a pas pour but de définir une politique chrétienne, mais plutôt de leur permettre à eux, militants syndicaux et politiques de mieux vivre et comprendre l’évangile dans le cadre des options politiques qu’ils ont définies et adoptées solidairement avec des personnes engagées qui souvent ne sont pas chrétiennes. La reconnaissance du pluralisme politique au sein de la communauté chrétienne et de la liberté politique impliquent, done d’une part, qu’aucune option idéologique ne peut être imposée à l’ensemble des chrétiens comme celle compatible avec la foi et la révélation, et, d’autre part, qu’un chrétien convaincu, militant dans le cadre d’un syndicat ou d’un parti, s’il est en droit de témoigner de sa foi, n’a pas pour autant à imposer ses convictions religieuses à ceux qui ne les partagent pas.
Dans la pratique de nombreuses organisations catholiques rassemblant des chrétiens engagés, un souci se tail jour de ne jamais adopter une position politique comme organisation dans le cadre des luttes sociales, ceci par respect précisément de la diversité des engagements des militants — et réciproquement de ne jamais imposer une conviction religieuse à des militants partageant les mêmes options idéologiques et politiques – cela en vertu de la reconnaissance de la liberté de croyance de chacun.
Au niveau international, certaines O.I.C. ant estimé qu’il n’était pas légitime d’intervenir comme organisation catholique au sein des institutions intergouvernementales. Selon elles. il convient d’être cohérent avec la pratique des équipes de base et d’adopter la même attitude de respect du pluralisme des options politiques au sein du mouvement et respect de la liberté religieuse à l’extérieur. Ils en concluent qu’il n’est pas possible pour un mouvement chrétien de participer activement au travail d’instances intergouvernementales sans adopter une position politique “chrétienne” ou sans imposer leur conviction religieuse à la communauté Internationale. Nous reviendrons plus loin sur cette attitude que nous considérons comme trop schématique. Mais il nous paraissait important avant d’aborder le rôle de Pax Romana au sein des organismes intergouvernementaux de rappeler l’évolution qui, s’est faite peu à peu jour au cours des années ’60 et 70 au sein des mouvements d’action catholique spécialisée et qui correspond à une redéfinition ecclésiologique.
Pax Romana: un pionnier de l’action intergouvernementale
A l’époque de la société des nations, et même lors de la création de l’ONU, l’ensemble des organisations catholiques et la quasi totalité de la communauté des chrétiens n’éprouvait aucune réticence à agir dans les domaines sociaux et politiques au plan international sous l’é étiquette confessionnelle.
A cette époque, le Saint Siège lui-même insistait pour que soit reconnu son statut d’Etat partie aux différentes institutions intergouvernementales. On relèvera que depuis le pape Paul VI, conscient des ambiguités qu’engendre un tel statut, des instructions ont été données aux représentants du Saint Siège auprès des organisations intergouvernementales, pour que partout où cela était possible ils optent en faveur d’un statut d’observateur n’ayant pas à prendre part à des votes politiques.
Dans les institutions comme la CNUCED, (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) où l’octroi d’un tel statut soulève des grandes difficultés politiques et structurelles, la délégation du Saint Siège a décidé depuis plus de vingt ans de ne pas participer aux votes ayant une portée politique, et c’est précisément pour se situer au niveau éthique et non dans le cadre de la défense d’intérêts particuliers. Cette attitude, à notre avis, parfaitement légitime, n’est pas toujours comprise par certaines délégations gouvernementales qui souhaiteraient que le Saint Siège fasse bloc avec Les pays occidentaux.
Il n’est pas possible ici de retracer quatre décennies d’activités souvent intenses de Pax Romana dans le cadre des institutions internationales. Nous rappellerons qu’à sa fondation après la première guerre mondiale le mouvement avait pour but le rapprochement entre les étudiants catholiques des pays européens qui s’étaient affrontés durant ce terrible conflit.
Les pionniers de Pax Romana rêvaient d’une Europe unifiée et pacifiée grâce aux valeurs chrétiennes reconnues par l’ensembl des pays du vieux continent. Ce projet de chrétienté suscita un profond, intérêt parmi les intellectuels catholiques européens et donna son dynamisme au mouvement durant les premiѐres décennies de son existence. C’est en fonction de ce projet que Pax Romana développa une intense activité au sein des institutions intergouvernementales, notamment dans le domain de la paix et de l’entente interconfessionnelle et interreligieuse.
Dans les années ’50, une des préoccupations essentielles des mouvement fut la défense de la liberté religieuse dans les pays d’Europe de L’Est où sévissait stalinisme. Pax Romana, qui avait avant la guerre établi des fédérations dans d nombreux pays subissant le joug stalinien, était particulièrement sensible au persécutions religieuses menées par les régimes issues du partage de Yalta. secrétariat général soutint fermement la création de fédérations d’intellectuels d’étudiants catholiques en exil, tout en cherchant en maintenir au a renouer le contacts avec les communautés chrétiennes dans le pays même.
Au niveau international, Pax Romana intervient rigoureusement pour dénoncer répression religieuse dont étaient victimes les communautés chrétiennes de l’Europe orientale et pour demander que les institutions internationales fassent respecter le dispositions relatives au libre exercice du culte.
L’extension du mouvement hors d’Europe, et notamment en Amérique latine, devait pas influencer considérablement les orientations générales de Pax Romana au cours des années ’50. Toutefois à partir des années ’60 et plus particulièrement après le Concile, une évolution se fit jour surtout au sein du mouvement étudiant. Une collaboration s’instaure avec la JEC après de durs affrontements résultant d’options socio-politiques et religieuses différentes. Les. divergences entre les deu mouvements étaient notamment dues à des conceptions différentes quant au rapport entre la foi et l’engagement politique. Le rapprochement fut rendu possible par l’émergence en Amérique latine de mouvements du MEC très présents au sein des luttes sociales. Ces fédérations, dont devaient sortir certains des plus brillants théologiens de la libération, permirent un premier rapprochement a la fin des année ’60 entre le secrétariat latino-américain du MIEC et de la JEC.
Au sein du MIIC, les fédérations du tiers monde soulignent très tôt la nécessité d’un engagement pour la décolonisation et en faveur du développement pour la défense et la promotion des droits sociaux et économiques des secteurs les plus marginalisés des populations en développement pour le respect des cultures non occidentales pour une vision moins européocentriste de l’Eglise. La prise en compte de ces thèmes par le MIIC impliquait non seulement une réorientation des activités vers d’autres thèmes que ceux qui avaient dominé années ‘50, mais impliquait également une remise en cause fondamentale du modèle initial. Comme nous l’avons exposé plus haut, les fondateurs de Pax Romana dans les années 20 avae1 pour ambition de réunifier l’Europe et de la pacifier dans le cadre d’une chrétienté moderne. Un tel modèle ne pouvait absolument pas repondre aux problemes qui posaient — souvent dans la violence — aux pays du tiers monde et aux quaIs fédérations de Pax Romana cherchaient des solutions compatibles avec le message de leur foi mais aussi avec leur culture et les conditions socio-économiques de le pays.
Le dialogue entre ceux qui, en Europe restaient attachés au modèle qui avail fail la grandeur et la force de Pax Romana durant les trois premieres decennies de son existence et ceux qui, percevaient la nécessité d’une réorientation fondamentale pour permettre au mouvement de répondre aux questions angoissantes que posait l’émergence d’un monde nouveau, libre politiquement mais de jour en jour économiquement plus faible et dépendant fut souvent difficile et âpre.
Mais malgré les tensions inévitables que cela devait engendrer Pax Romana réussit sont “aggiornamento” et prit une part importante à celui de l’Église lors de Vatican II. Le concile, en faisant appel à Ramon Sugranyes comme observateur laïc, souhaitait qu’il mette non seulement l’expérience qu’il avait acquise au service de l’assemblée mais aussi qu’il aide à préciser sur la base de l’expérience de Pax Romana le rôle des laïcs engagés tant au sein de l’Eglise que dans la société.
Par la suite Pax Romana a poursuivi, parfois avec certaines difficultés, dans cette ligne d’engagement et de réflexion sur cet engagement. Comme nous l’avons déjà mentionné c’est de l’effort, réalisé quotidiennement par des théologiens comme Gustavo Gutierrez au Pérou pour répondre aux questions théoriques que suscitait la pratique des membres du MIEC, que peu à peu s’est dégagée une théologie à laquelle on a donné le nom de la théologie de la libération.
Les réactions qu’elle provoque, — l’enthousiasme chez de nombreux intellectuels engagés pour qu’elle représente non pas une nouvelle vérité mais de nouvelles perspectives de recherche et d’approfondissement, — de crainte parmi les gardiens de la doctrine qui redoutent que certaines audaces troublent certains croyants, sont naturelles et il n’y a pas lieu de s’en offusquer. Le rôle de Pax Romana comme organisation non gouvernementale d’intellectuels catholiques consiste précisément à stimuler ce débat, même s’il engendre l’inquiétude d’une partie de la hiérarchie. Notre rôle n’est pas de veiller à la pureté de la doctrine des recherches théoriques qu’engendrent les questions que nous soulevons mais de permettre de poser toutes les questions telles qu’elles surgissent et d’oeuvrer à trouver des ébauches de réponse que l’action et la réflexion ultérieures viendront préciser ou infirmer. En revendiquant ce droit a une recherche honnête mais libre, Pax Romana ne prétend pas que l’autorité au sein de l’Eglise n’a pas à veiller à l’orthodoxie de la doctrine. Elle estime que n’étant pas la voix autorisée par laquelle s’exprime la doctrine officielle, elle a un rôle à jouer pour chercher, dans les difficultés et parfois au risque d’errer les chemins que de,nain devra emprunter la communauté dans son ensemble car l’Eglise ne peut jamais vivre d’un acquis — celui qui n’avance pas recule. II nous semble qu’au cours de son histoire Pax Romana a su éviter le piège d’un conformisme stérilisant et soulever au sein de l’Eglise des questions difficiles mais vitales.
En ce qui, concerne le travail dans le cadre des organisations internationales intergouvernementales, l’évolution du mouvement est plus ambigu.
Certes on assistera très tôt à l’abandon du modèle de chrétienté préconisé dans les années vingt pour une approche plus moderne des questions internationales. Toutefois, un bilan montre que même si le mouvement semble s’être préoccupé de toutes les grandes questions qui ont agile la planète depuis les années 40, il a ete tres inegalement présent sur les fronts au ces questions étaient débattues dans Ies instances intergouvernementales.
Les grands débats internationaux se sont déroulés depuis les années 40 au sein des diverses institutions dans lesquelles Pax Romana a ou pourrait avoir un statut consultatif. II s’agit entre autre des questions liées aux droits de l’homme, de la compétence de la commission des droits de l’homme et de ses annexes; des questions sociales, débattues notamment au sein de l’OIT: du développement, questions relevant de la CNUCED: de l’impact des transformations scientifiques et technologiques sur la vie sociale: enfin des questions liées à l’environnement et traitées notamment dans le cadre du programme des nations unies pour l’environnement.
Dans les questions liées aux droits de l’homme, on peut affirmer que Pax Romana a joué et continue de jouer un rôle de premier plan. Elle se montre active aussi bien dans la dénonciation de situations “oubliées”, que dans la production scientifique de type normatif. Notre mouvement contribue à la promotion de nouvelles normes internationales et dans l’approfondissement et la précision de la portée de certains instruments juridiques grâce, notamment, à la production des juristes catholiques internationaux. Dans ce domaine, Pax Romana a fait preuve de dynamisme non seulement au sein des organismes intergouvernementaux, mais elle a coordonné et inspire l’action de l’ensemble des organisations internationales catholiques. La mise sur pied a la fin des années 70 d’une commission des droits de l’homme des OIC et des activités déployées par cette commission sent dues pour l’essentiel, comme le note le rapport du président de cette conférence aux efforts déployés par le secrétariat international du MIIC, tant dans les choix des thèmes abordés que de l’organisation des conférences et des réunions.
Cette importante activité de Pax Romana au plan international n’est possible que grâce à l’engagement des membres de nombreuses fédérations nationales dans ces domaines et à l’activité du secrétariat des juristes catholiques qui agit en étroite collaboration avec le secretariat general. Les nombreuses réunions et colloques tenus, sur des thèmes tels que les fondements éthiques des droits de l’homme, la dimension actuelle de ces droits et notamment l’inclusion de nouveaux droits, dits de solidarité (droit à la communication, droit au développement, etc.), les recherches sur les conséquences pratiques de l’affirmation du droit à l’égalité de l’homme et de la femme dans la société actuelle, la mise au point d’instruments juridiques internationaux garantissant la liberté religieuse, ne répondent pas à des modes mais a la nécessité d’approfondir les questions soulevées par l’action des membres du mouvement et débattues dans le cadre de certaines fédérations.
La force de Pax Romana dans ce domaine réside dans l’expérience de ses membres les plus engagés. C’est par leurs luttes quotidiennes en faveur de la justice que le secrétariat a connaissance des graves violations commises dans de nombreux pays. Sa délégation peut alors a chaque session de la commission et de la sous-commission des droits de l’homme, intervenir sur la base d’expériences vécues et vérifiées.
L’universalité des interventions portant aussi bien au cours de ces dernières années sur le Vietnam, sur le Chili, sur l’indonésie que sur l’Ouganda, sur la Pologne que sur le Sri Lanka, reflètent moins un souci “politician” d’équilibrer les tendances au les provenances géographiques des régimes mis en cause que la présence active de membres de notre mouvement dans tous les continents et la solidarité dans les combats pour la justice.
Le prestige que Pax Romana s’est acquis dans ces domaines n’est pas tant à mettre au compte de la clairvoyance des secrétaires généraux ou de la qualité des delegues de Pax Romana dans les institutions internationales, que sur l’engagement parfois modeste, mais tenace d’un réseau de militants convaincus que ces questions sont primordiales pour tout homme et surtout s’il est chrétien.
En ce qui concerne les résultats concrets obtenus par Pax Romana, il convient de distinguer les cas individuels de situations générales. II serait intéressant de dresser un jour un bilan exhaustif des cas dans lesquels le secrétariat est intervenu et des résultats obtenus. Ne disposant pas d’une telle étude, nous nous contenterons de mentionner des exemples qui nous sont restés en mémoire, de nous rappeler noire joie à l’annonce de libérations obtenues en Amérique latine, notamment en Colombie, au Brésil, en Uruguay, d’autres en Asie, comme au Vietnam après 1975 et dans certaines autres parties du monde. II faut aussi mentionner ceux qui se sont adressés à nous pour les aider à retrouver ou à faire libérer un parent et pour qui nos efforts sont demeurés vains.
Les cas individuels étant clairement délimités, ii est relativement facile de vérifier l’impact que nos interventions ant pu avoir, il est moins aisé, en revanche, d’évaluer les conséquences que peuvent avoir sur un gouvernement coupable de violations massives des dénonciations que notre organisation effectue inlassablement dans toutes les institutions internationales ou elle a un droit de parole.
Comme nous l’avons déjà relevé pour l’Argentine, une manière indirecte de mesurer les faits sur les autorites concernees de nos interventions, et d’analyser les réactions qu’elles suscitent. Réactions souvent violentes, parfois injurieuses, de certaines de le gations à la suite de présentations, de dossiers solidement documentés comme par exemple les rapports de missions d’enquête ou de faits dûment vérifiés par des membres de certaines fédérations. En outre la reprise dans les interventions de délégations gouvernementales de documents produits par Pax Romana ou la citation par certaines de délégations de nos rapports d’enquête montre que cette activité ne laisse pas indifférentes les autorités qu’elle met en cause. Un cas Ires récent permet d’illustrer ces propos et de montrer l’importance que peut avoir l’intervention de Pax Romana comme organisation catholique.
Depuis l’invasion de Timor par les troupes indonésiennes, la répression qui s’est abattue sur la population de ce pays et particulièrement sur les groupes luttant activement pour l’indépendance, a entraîné selon les estimations présentées à l’ONU la mort de 200,000 personnes sur une population totale de 600,000 habitants. Grâce aux appuis dont jouit l’indonésie, ce génocide comparable à celui perpétré par les Khmers rouges au Cambodge n’a pas reçu la publicité que connaissent d’autres situations dans le monde. Le manque de contacts internationaux des populations timorées joint à l’isolement que l’indonésie a reussi a imposer a ces territoires, a peu à peu détourné l’attention de la communauté internationale de ce terrible drame.
La diplomatie indonésienne s’est alors efforcée de faire retirer le cas de Timor de l’ordre du jour de la commission des droits de l’homme des Nations Unies. Afin de s’attirer la bienveillante neutralité de l’Eglise catholique, le gouvernement timorais c’est meme montre prêt à faire d’importantes concessions en faveur de l’Eglise catholique, confession majoritaire parmi les Timorais. Plusieurs ONG et notamment Pax Romana et Pax Christi ont vivement réagi et sont systématiquement intervenues pour rappeler que le problème confessionnel n’était qu’un élément d’un contexte de violence. Elles ont rappelé que les populations timoraises vivaient sous la terreur et que la torture et les disparitions y étaient des pratiques fréquentes. Grâce à cette pression, les autorités indonésiennes n’obtiennent pas que le dossier timorais soit refermé par les nations unies. Bien plus, ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’un regain d’attention et en 1986 l’indonésie n’a pu être réélue à la tête des pays non alignés a cause des graves accusations portées à son encontre au sein des nation unies. Cet incontestable échec politique oblige les autorités indonésiennes à prendre en compte la question timoraise, même si leur première réaction a été d’agression à l’égard de Pax Romana qu’elle considère comme l’une des organisations responsables de leur isolement politique. A terme, un tel isolement politique est souvent, apres une periode de raidissement, la condition qui oblige un régime dictatorial à assouplir la position et à tenir au moins partiellement compte des droit de l’homme.
Si l’on peut dresser un bilan positif de l’action de Pax Romana dans le domaine des droits de l’homme, tout d’ailleurs comme dans celui de la promotion de la culture dans le cadre de l’UNESCO, il est des domaines dans lesquels curieusement notre mouvement n’a pas, au plan international intergouvernemental, le rayonnement qui devrait être le sien au vu de son mandat et de la qualité du travail qui s’effectue en son sein. Paradoxalement en effet, et malgré l’insistance mise par de nombreuses fédérations sur la nécessité de donner priorité dans la réflexion et dans l’action aux problèmes du développement, Pax Romana n’a joué et ne joue aujourd’hui encore qu’un rôle des plus modestes dans les institutions des nations unies traitant de ces questions. Cela est d’autant plus curieux que la délégation du Saint Siège a fait preuve dans ces domaines d’une grande audace au début des années 60 lors du Lancement de la CNUCED. Elle a, avec quelques autres, ate a l’origine de la définition du nouvel ordre économique et du droit au développement. Qu’on nous permette de rappeler ici trois interventions remarquables du Père Lebret, l’une en 1962 à la Conférence des Nations Unies sur l’application de la science et de la technique et les autres, en 1964 lors de la première conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement. En 1962, le père Lebret disait: “Si parfois noire délégation s’est abstenue dans des votes, c’est que, soucieuse de se maintenir au plan du bien commun universel, ii lui fallait, fidèle aux principes que selon ses instructions elle avait exposé au cours du débat général, avoir sans cesse devant les yeux la préparation d’un ordre économique nouveau acheminant vers une communauté internationale authentique”. (Séance plénière du 10 juin 1964, la CNUCED)
“Aujourd’hui s’impose au-dessus des techniques de développement, l’élaboration d’une éthique du développement d’où pourrait surgir les grandes lignes d’un code juridique international du développement. Dans une humanité solidaire, le droit de tous les peuples au développement et à la coopération pour le développement devrait être reconnu et respecté de telle sorte que l’effort total soil harmonise et échappe ainsi à l’incohérence actuelle des demandes et des interventions. L’aide perdrait ainsi son caractère humiliant et chaotique. Les méthodes disparates de planification pourraient s’unifier assez pour que s’évanouissent les gaspillages d’improvisation et de prestige. A l’abri de règles internationales d’échange et d’entraide, les peuples moins pourvus garderaient l’impression de la réalité de leur indépendance. Ils ne seraient plus les mendiants qui tendent la main, ou les malins qui, par une sorte de chantage, jouent sur les dissensions entre les plus grands ou sur la concurrence intéressés entre tous les pourvoyeurs d’assistance. II est temps de penser un ordre international nouveau bousculant les méthodes anciennes d’exploitation et les méthodes nouvelles de compétition.” (15.10.1962 — Ref. UNCSAT/E/CONF. 39/H/21)
“Notre délégation estime que la totalité des ressources du monde doit être exploitée de telle sorte que toute l’humanité en soil bénéficiaire, et que la communication des biens produit par la totalité des peuples s’effectue de telle manière que tous ceux qui ne disposent pas encore d’un niveau de vie décent ou qui, par suite de la pauvreté de leur sol et de leur sous-sol et de leurs possibilités énergétiques, ne peuvent espérer échapper a la misere, obtiennent cependant la satisfaction de leurs besoins essentiels et accèdent à un niveau de vie conforme à la dignité humaine.” (Ire CNUCED 1964 – Ref. UNCTAD/Misc.41)
Les interventions que nous venons, un peu longuement, de citer revetent un caractere exceptionnel. Le Père Lebret, en effet, a développé sur le problème de l’identité tité culturelle face au choc de la modernité et sur les structures étatiques des etats du tiers-monde en lien avec les communautés de base, des idées qui vont bien au- delà des simplifications auxquelles, par la suite, des slogans très approximatifs nous ont habitués.
Ce que nous voudrions souligner, c’est la pertinence de ces réflexions sur le plan de la politique internationale du développement. La mention, pour Ia premiere fois a notre connaissance, de trois concepts fondamentaux, est tout-à-fait remarquable. II s’agit des expressions suivantes que nous avons soulignées dans les textes:
- Droit de tous les peuples au développement.
- Nouvel ordre economique international.
- Satisfaction des besoins essentiels.
Pour tous ceux qui s’intéressent de près au développement, ces mots évoquent immédiatement des conférences importantes. Le nouvel ordre économique international (NOEi) a été le thème d’une conférence des Nations Unies en 1974, Ie droit au developpement a ete etudie par l’UNESCO et fait partie depuis quelques années de l’ordre du jour de la commission des droits de l’homme des nations unies. Enfin, l’OIT a, dans les années 70, tenu plusieurs sessions de travail sur la satisfaction des besoins essentiels.
Malgré les options extrêmement claires définies par le Saint Siège, options qui se situaient exactement dans la ligne d’action de nombreux militants des fédérations de Pax Romana, force est de constater que durant vingt cinq ans Pax Romana a manqué les grands rendez-vous qu’ont constitué les sept sessions plénières de la CNUCED, la Conférence des Nations Unies sur le nouvel ordre économique international, les travaux — de l’OIT sur la satisfaction des besoins essentiels sans parler de la Conférence en faveur des pays les moins avancés.
Elle aurait pourtant pu apporter une contribution de grande valeur dans les travaux pour l’établissement d’une catégorie de pays les moins avancés devant bénéficie d’une aide spécifique, de l’établissement d’un fond commun pour les produits d base, d’une réglementation pour les produits manufacturés, réaménagement de dette et du système financier.
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On notera également que malgré l’effort remarquable réalisé par le secrétariat des questions scientifiques sur les rapports entre foi, éthique et science, Pax Romana n’a pas non plus dans ces domaines marquer le travail international intergouvernemental
Ces questions devraient être examinées en priorité par l’assemblée générale pour étudier quels blocages ont empêché une présence plus active de Pax Romana dans des instances ou ses compétences seraient précieuses et qui répondent exactement à son mandat et aux travaux de qualité de certains secrétariats ou de nombreuses fédérations.
Si Pax Romana, comme cela est souhaitable, décidait d’investir davantage dans le travail international pour consolider ses acquis et étendre son travail à d’autres domaines. Il conviendrait qu’elle le fasse en tenant compte des divers facteurs que nous avons essayé de rapidement mentionner dans cet article.
Nous sommes convaincus qu’une présence active des organisations internationales catholiques en général et de Pax Romana en particulier se justifient aujourd’hui au sein des organismes internationaux. Certes, nous l’avons abondamment souligné, il faut se défier d’un retour à un modèle dépassé de chrétienté et d’imposition de l’idéologie chrétienne qui aujourd’hui n’est plus justifiable sur le plan théologique et ecclésiologique et ne serait pas acceptable par ces instances intergouvernementales. Il nous semble toutefois qu’il ne faut pas aller jusqu à l’extrême de considérer que les chrétiens n’ont pas à être représentés en tant que tels au sein de ces organismes.
En effet, comme le montrent les exemples que nous avons cités, ils ont deux rôles à remplir, le premier est un rôle de suppléance lorsqu’une autre institution n’est à même d’assumer un problème brûlant qui doit être porté à l’attention de l’opinion publique internationale et débattu au sein des instances intergouvernementales. Les droits de l’homme nous fournissent quotidiennement des exemples de ce genre. II arrive trop souvent, hélas, que des organisations, pour des raisons tactiques ou stratégiques, décident de ne pas faire mention de violations graves. Plus simplement, les secteurs les plus pauvres et les plus démunis de la société sent en général ceux qui ne parviennent pas à se faire entendre, ni dans le cadre national, ni dans le cadre international. II appartient done a des organisations chrétiennes d’être dans ces cas là, selon la belle expression des évêques brésiliens, la voix des sans-voix. Ce rôle de suppléance évidemment ne saurait être maintenu le jour ou ces sans-voix pourraient parler par eux-mêmes.
Mais une autre raison légitime le droit des organisations catholiques à s’exprimer et à prendre position dans les débats internationaux. II nous paraît abusif d’assimiler l’imposition d’un programme politique d’inspiration chrétienne au rappel de valeurs essentielles dans le cadre de grands choix de société.
En effet, si l’évangile ne nous donne aucune solution pratique aux grand problèmes de l’heure, il proclame un certain nombre de valeurs — comme l’option en faveur des pauvres — qui doivent être constamment rappelées à tous ceux qui concourent à la construction de la société de demain. Ces rappels éthiques sont loin d’être négligeables même si parfois il semble difficile à mettre en pratique.
Cette présence, il est vrai, implique un effort considérable pour le mouvement, a la fois de compétence et d’engagement. La faiblesse qui range certaines ONG réside dans le fait qu’elles ne sont pas capables de comprendre la complexité du débat international ou qu’elles n’ont pas les moyens matériels d’y participer de façon continue . Mentionnons à titre d’exemple qu’à Geneva seulement se tiennent annuellement plus de 7,000 réunions dans le cadre du système des Nations Unies.
Certes ces 7,000 rencontres ne sent pas toutes de valeur égale. Mais il faut déjà savoir distinguer l’essentiel de l’accessoire pour être efficacement présent lors des débats fondamentaux.
Ceux-ci souvent, contrairement à une idée répandue, n’ont pas lieu lors des grandes réunions abondamment commentées par les médias, mais dans des groupes de travail agissant discrètement et souvent beaucoup plus efficacement dans le cadre de la préparation ou du suivi des grandes conférences.
A cette accumulation des rencontres vient s’ajouter la dispersion géographique du travail international. En effet, nous avons assisté au cours de ces vingt dernières années à une régionalisation du systems onusien qui a pour conséquence que des décisions de plus en plus importantes se prennent non pas à New York ou à Genève, mais dans les centres régionaux de Nairobi, Mexico, Buenos Aires ou autre.
Entin, et peut-être est-ce la un préalable non seulement au travail international dans le cadre des institutions intergouvernementales, mais même au travail international dans le cadre de l’Eglise, il taut lutter centre des critiques systématiques qui ne tendent pas à réformer les graves lacunes du système international, mais a supprimer tout dialogue multilatéral. II est evident que le système des nations unies souffre de très graves imperfections, qu’il est souvent dominé par des querelles politiciennes sans rapport avec le mandat qui lui a ete confie, que sa bureaucratie, comme toutes les bureaucraties se montre peu efficace et maladroite. Mais ces imperfections mêmes et l’enlisement dans lesquels risque de sombrer l’ensemble d’institutions multilatérales doivent être une raison supplémentaire pour qu’une organisation comme Pax Romana consente des efforts importants destinés à améliorer et à réformer ce système. II n’y a en effet aucune alternative à l’ONU, premier essai de concertation planétaire en vue d’une société structurée. Si par malheur, on devait en revenir, comme c’est actuellement la tendance, à des arrangements bilatéraux, la tentative de créer une société mondiale basée sur le droit et la justice serait irrémédiablement compromise en faveur de relations fondées sur le droit du plus fort.
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