L’effondrement du pont Morandi à Gênes et l’histoire du navire Diciotti attendant le débarquement de réfugiés à Catane en Sicile: comme cela arrive souvent, de nombreux Italiens se sont soudainement découverts experts dans les grands travaux d’infrastructure et les flux migratoires et ont utilisé surtout les médias sociaux pour transmettre des opinions, des invectives, souvent des rancunes.
Une caractéristique constante de ces prises de positions est leur immédiateté, non seulement dans le sens temporel, mais souvent aussi dans le sens logique, c’est-à-dire sans réflexion et approfondissement adéquats. Et, hélas, dans ce piège, tel ou tel responsable institutionnel a risqué parfois de trébucher, alors que sa fonction nécessitait un contrepoids et une information préalable.
La plupart du temps, c’est une question d’ignorance ou d’oubli de l’histoire d’un problème. De cette façon, des suggestions sont faites pour la restructuration ou la nationalisation des autoroutes sans tenir compte du long débat technique et politique sur la préférence de l’intervention publique en termes de réglementation et de contrôle plutôt qu’en tant que propriétaire et opérateur. D’autres fois, on note l’écart évident entre l’ampleur réelle d’un phénomène et sa perception : c’est le cas de l’immigration. Non seulement la distinction entre immigrés et réfugiés semble échapper à beaucoup, mais la conviction domine, démentie d’ailleurs par toutes les données disponibles, d’être envahis par un torrent impétueux et imparable de migrants, principalement noirs et musulmans, alors que l’immigration est stable en Italie depuis quelques années et est composée, en majorité, de femmes et de personnes de religion chrétienne ; ou la conviction que c’est l’Europe qui supporte le plus lourd fardeau de l’accueil et, en son sein, l’Italie, alors que 5/6 des réfugiés sont accueillis par les pays en développement et que le pourcentage de la population italienne est parmi les plus faibles d’Europe (données Eurobaro¬metro-Istituto Cattaneo).
Dans ces conditions, plutôt que d’envisager le renforcement des instruments de démocratie directe de type référendaire, il serait utile d’initier ou de renforcer des expériences de démocratie délibérative, c’est-à-dire des occasions de réflexion, de délibération et de débat pour, en fin de compte, pouvoir prendre des décisions réellement vérifiées par une opinion publique informée et formée.
Utopie ? Peut-être oui, à en juger par la marginalité des voix qui nous invitent à s’informer et à réfléchir, et d’autre part par le bruit de ceux qui expriment des opinions (et parfois des insultes) avec une immédiateté simpliste. Mais l’immédiateté ainsi pratiquée peut mettre en danger la démocratie, qui est une synthèse du consensus populaire-électoral, de la garantie des droits, et de l’équilibre entre les pouvoirs de l’État.
Traduit de l’italien par Philippe Ledouble
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